Sur mon skate
- anne morize
- 4 nov.
- 1 min de lecture

Les danseurs avaient quitté la scène. Ils étaient partis en bus, libres artistes voyageurs. J'avais quitté les loges, attrapé mon skate. Il était 1h du matin. Nous avions bien travaillé, besogneux couturiers sur le fil, artisans des tissus qui s'écrasent ou virevoltent, des mousselines vaporeuses et des guenilles qui en disent plus que des mots. Les danseurs étaient là depuis 3 jours. Nous, petites mains, avions préparé, réparé, ajusté, retouché leurs costumes. Nous les avions habillés, déshabillés, rhabillés avec urgence et habileté. J'avais assisté à chaque répétition, à chaque filage, à chaque représentation.
La dernière avait été un succès. Je vivais intensément cette petite fin qui avait déposé sur mes papilles la saveur et l'intensité qui manquaient à ma vie et que je recherchais depuis si longtemps. Filant sur mon skate dans la nuit, je revois très précisément ce passage piéton, cet endroit qui précède le petit décroché de trottoir et où, comme une évidence, une pensée a percuté ma vie. Furtive et définitive.
Mon skate flottait au dessus de l'asphalte, filant vers un avenir qui fit de moi le danseur que je suis devenu.







